Ce qui me touche particulièrement et ce dont traite avec la plus grande attention ce projet de recherche-création est: que se passe-t-il lorsqu’on sacralise des objets dans l’intime, hors du champ de la grande Histoire? Quels seraient les facultés ajoutées à ces objets ? Nous avons tous des rituels de collection et de préservation, nous gardons nos dents tombées durant l’enfance, nos doudous de bébé, nos cartes d’anniversaire, albums photos, jouets, trophées de chasse, vaisselle dorée, classés chez nous, organisés, emballés dans des boites aux précieux papiers de soie, comptabilisés dans des livres où il est noté le premier mot qui sort de notre bouche. Qu’adviendrait-il si on les exposait dans le cadre d’une exposition officielle, dans des vitrines, sur des socles ? Perdraient-ils leur dimension sensible issue de l’intime ou est-ce que ces objets toucheraient le visiteur d’une manière plus personnelle, située dans son vécu, dans des lieux communs de récits voisins ?

Le projet est issu d’une collecte/recherche sur les objets collectionnés dans l’intime. Le pilier du projet d’exposition consiste en une installation. Un micro-musée dans lequel j’invite le public à manipuler les objets récoltés ainsi qu’à consulter les témoignages sonores qui les accompagnent à l’aide d’écouteurs. Les sens sont mis à profit afin de s’imprégner des récits entourant les objets. Le dispositif contenant les objets prend la forme d’une vitrine d’exposition trafiquée en incubateur.

L’incubateur est un environnement reproduisant artificiellement le milieu de vie présent à l’intérieur du ventre d’une personne enceinte. Un lieu clos, mais traversé d’ouvertures permettant de prodiguer des soins et un lien humain bienveillant à l’égard des objets qui y sont protégés. Je tente de déceler des liens entre objets inertes et récits intimes, insufflant ainsi des vies à ces objets. Les objets les plus banals sont hissés au niveau d’objets sacrés grâce aux récits divers qui les entourent ainsi qu’aux liens affectifs qui les unissent à leurs propriétaires.

Durant l’exposition, les publics étaient invités à confier à leur tour un élément à la collection. Au tissu recouvrant le bas de l’incubateur a été intégrée une fente évoquant une boite aux lettres. Les visiteurs de l’exposition étaient invités à y déposer un témoignage calligraphié, ainsi qu’un dessin de leur objet choisi sur une fiche mise à leur disposition.

L’incubateur d’objet